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Temoignage de Mickael


1. Acceptation de sa transidentité


J'ai toujours su que j'étais transsexuel, ou du moins je l'ai toujours été. J'ai commencé à prendre  conscience de ce décalage entre mon corps et mon esprit quand j'avais à peine 5 ans. Bien sûr à cette époque je ne connaissais pas ce mot : transsexuel. Et surtout, je croyais être le seul, je croyais être fou. Au départ, c'était pas si dur que ça ; mais bon, à cet âge là la vie n'est pas vraiment compliquée. Ça se limitait à vouloir que ma grand-mère m'offre un pistolet et une étoile de shérif au lieu d'une barbie, ou à me battre avec ma mère pour couper mes cheveux courts et ne pas mettre de jupe. Mais le reste du temps, la différence entre un petit garçon et une petite fille n'est pas si énorme. Après c'est l'adolescence et là ça se complique. Le corps change et les regards aussi. Et autant on m'a laissé être un garçon manqué durant mon enfance, autant ma famille a essayé, de gré ou de force, de me faire rentrer dans la case fille. C'est à ce moment là que j'ai vraiment réalisé les choses, je savais depuis longtemps que j'étais un garcon coincé dans un corps de fille, mais avant, je n'avais pas compris quelle galère allait être mon avenir ; à vrai dire, à partir de là je ne me voyais plus d'avenir. Les gens attendaient que je devienne une femme, mais c'était impossible : c'était pas moi. S'en est suivi une grande période à vide où tout mon quotidien devenait un enfer. Le collège, les regards, les réflexions. Avec mon look de garcon manqué coincé, je passais pour le raté de service. Avec le temps, j'ai appris à me blinder et à enterrer tout ça au fond de moi. Je suis devenu « Blat » pour effacer un prénom qui me faisait horreur, j'étais pas un garçon, mais une fille ultra-masculine, et j'essayais de me convaincre que ca me convenait, que j'avais trouvé mon équilibre comme ça. Finalement à faire comme si les choses n'existaient pas, j'ai fini par tout envoyer en l'air. A 18 ans j'ai tout quitté, famille, amis, études... Pour quoi ? Juste pour avoir l'impression d'exister. Je suis devenu « lesbienne et fière de l'être », toujours dans cette ambigüité physique de fille masculine, mais fille. Je me suis inventé une vie, et j'essayais d'y croire. Au final, je n'ai fait que m'enterrer encore plus. Pendant trois ans j'ai fait tout ce que j'ai pu pour chasser toute idée apparentée au fait que je me sentais garçon, jusqu'à reprendre tout ça en pleine tête comme un boomerang et réaliser que j'avais déjà perdu ces années à me mentir, et que si je n'essayais pas d'être moi rapidement, j'allais finir par me flinguer un jour ou l'autre. Partant de là, j'ai trouvé ça con de ne rien tenter pour être heureux...
 
Il a après fallu pas mal de temps, et surtout de dialogue avec d'autres transsexuels pour accepter ma transidentité dans le sens de la vivre sereinement, et plus comme un fardeau ou une honte. L'accepter comme une des nombreuses facettes de mon identité en raison du vécu différent qu'elle m'a donné.

 


2. Contraintes administratives et médicales


La principale contrainte face à ce pseudo protocole de changement d'état civil reste le psy. Au départ, c'est faire de la lèche pour avoir sa testo, après c'est continuer de lui dire bonjour de temps en temps pour avoir des certificats pour les opérations ou le changement d'état civil. Heureusement pour moi, je suis en parcours privé, donc aucune règle arbitraire comme une obligation de suivi psy pendant deux ans avant de débuter quoi que se soit. Quoi qu'il en soit, ça reste quelque chose que j'aime pas, et surtout d'inutile. Déjà, j'avais envie de faire ça « par moi-même », sans psy pour me tenir la main. Puis de toute façon, c'est pas de raconter ma vie 20 minutes tous les deux mois à un psy qui oublie ce que j'ai dit la fois d'avant qui peut m'être d'une aide quelconque.

 


3. Les changements physiques


Au tout départ, les changements physiques n'étaient pas ce que j'attendais le plus. Pour moi, en dépit de quelques attributs purement féminin, l'ensemble me convenait. Je voulais avant tout qu'on me considère au masculin. Je ne dis pas que je ne voulais pas d'hormones ni de chirurgie, juste qu'attendre un peu ne me paraissait pas si horrible.
 
Avec le temps, chaque détail prend de son importance. A chaque « mademoiselle » dans la rue je cherchais ce qui en était la cause : la coupe de cheveux, le peu de poitrine qui dépasse, etc. Un par un, j'ai essayé de tout corriger jusqu'à me rendre compte que : je suis un gringalet d'1m64 qui a quand même des traits féminins. A partir de là, l'attente pour les hormones est devenue un enfer. C'était devenu le seul espoir de mieux « passer ». Pourtant au fond, je n'arrivais pas à imaginer de miracle. Ok j'aurais une voix bien masculine, mais ma tête resterait la même. Finalement, les hormones sont arrivées bien plus vite que je ne l'avais espéré, et avec elles une libération que je n'envisageais même pas. D'un point de vue personnel j'étais plus qu'enchanté de voir mes cuisses et mon ventre se faire envahir de poil, ou de découvrir enfin quelques traces de muscles dans les formes de mes bras ; mais du côté relationnel, les « mademoiselle » se sont de plus en plus raréfiés jusqu'à totalement disparaitre. Mon visage a bien changé, et si au pire il reste un maigre doute, ma voix est là pour le dissiper.
 
Une fois cette première étape franchie, c'est petit à petit les bandages qui sont devenus insupportables. Je n'avais que peu de poitrine, mais c'était quand même trop pour pouvoir faire comme si elle n'existait pas. L'été, la plage, la chaleur, l'envie de se mettre torse nu qui me ronge, et surtout la sensation d'être coincé dans ce truc compresseur qui m'étouffe. Le soucis c'est que ma mammectomie était liée à mes finances, et que celles-ci étaient loin de me permettre ce genre de folies. Mais trois anges qui veillaient sur moi sont passés, et m'ont permis d'en finir rapidement avec ce calvaire. Je n'ai été opéré que le mois dernier, je suis encore pas mal limité et je n'ai pas pu vraiment en profiter, mais quel bonheur de pouvoir renfiler un t-shirt à même la peau ou me mettre torse nu devant ma chérie autrement que dans le noir ou sur le dos.
 
Ces deux étapes ont vraiment marquées deux libérations pour moi : l'une sociale et l'autre « intime », qui étaient toutes deux mes « objectifs » en débutant ma transition.

 


4. Le coming-out familial


Informer mes parents a été la première action de mon parcours. Ce n'est pas que j'attendais une autorisation de leur part, mais il était pour moi inenvisageable de commencer toute démarche officielle sans les en avoir informés, je n'imaginais pas ensuite les mettre devant un fait accompli.
 
En fait, l'annonce s'est faite en deux fois. La première fois, je n'avais pas encore vraiment décidé ce que j'allais faire. Je savais que c'était nécessaire, mais je ne m'en sentais pas prêt. Je leur ai donc expliqué que je n'avais jamais réussi à me sentir fille, que j'avais toujours pensé être un garçon. Ils ne l'ont pas si mal pris. Sans doute parce que à la question « Et tu vas te faire opérer ? » j'ai répondu « non » alors que ma tête hurlait un grand oui. Ils ont pensé que je devais aller voir un psy pour accepter ma féminité. Même si tout ceci était impensable pour moi car ça revenait à nier qui j'étais, je n'ai pas polémiqué. Je n'ai réattaqué ce sujet avec eux que six mois après, cette fois j'avais « décidé » d'entreprendre les démarches pour changer d'état civil. Leur réaction a été bien plus violente, ils sont restés sur leur idée « d'accepter la femme qui est en moi ».
 
Ça fait maintenant un an et demi, et on n'a pas vraiment avancé. Ils perdent chaque jour un peu plus l'espoir de sauver leur fille, mais ne sont toujours pas aptes à accepter un fils. Surtout mon père pour qui tout ça est de la folie pure et simple. Il ne comprend pas. Ma mère m'a avoué qu'elle s'en était toujours doutée, et qu'elle culpabilise de ne pas avoir voulu y croire avant. En fait, quand j'étais petit elle m'a plusieurs fois demandé si je n'étais pas trans (en expliquant bien sûr) et j'ai toujours répondu non. J'avais peur qu'elle me voit comme fou, qu'elle veuille justement me faire accepter ce qui était pour moi inacceptable au lieu de m'aider. Contrairement à mon père elle comprend, le seul soucis c'est qu'elle se refuse à lâcher l'image de sa fille. Mais même si elle ne s'en sent pas capable encore, je sais qu'un jour elle le fera et qu'elle pourra enfin m'accepter tel que je suis.
 
Le reste de ma famille est au courant. Dans l'ensemble ils le prennent très bien. A vrai dire, mon père est finalement le seul surpris.

 


5. Les relations amoureuses et amicales


Ma vie amoureuse a commencé par 18 années d'abstinence totale. Pas qu'aucune fille ne m'intéressait, au contraire, mais je savais que pour toutes j'étais moi aussi une fille, et il ne m'était pas concevable d'être perçu comme fille au sein d'un couple. J'ai assez mal vécu tout ça. Déjà parce que ce n'était pas choisi mais subi, mais aussi parce que venait s'ajouter les remarques des gens, et parfois des amis qui ne comprenaient pas ce qui clochait chez moi. C'est un peu pour tout ça que j'ai fini par essayer de la jouer homo. En fait, il s'est trouvé qu'une fille a commencé à s'intéresser à moi, et même si moi je m'en fichais au départ, j'ai vu ça comme la seule possibilité d'être avec quelqu'un un jour. J'ai donc sauté sur l'occasion et je m'y suis accroché comme au seul espoir de ma vie. C'est d'ailleurs à cause de ça que je suis parti de chez moi à 18 ans. Finalement je me suis retrouvé dans ce que je refusais au départ : un couple dans lequel j'étais perçu comme fille et donc les choses ont fini par se dégrader. 

Un peu plus tard j'ai rencontré ma copine actuelle. Elle connaissait ma situation, c'était une des très rares personnes à qui j'en avais parlé. Et dès le moment où on a été ensemble c'est elle qui a lancé le sujet de savoir « qui je voulais être dans notre couple ». Et au moment où je réalisais qu'il m'était impossible de me réengager dans le même genre d'histoire, elle m'a confié qu'elle n'arrivait pas à me voir comme « sa copine ». Ça a été le début de tout. A nous, et à moi. Pour la première fois je me suis vu exister dans les yeux de quelqu'un, sans aucun jugement, sans être fou. C'est grâce à ce moment que j'ai trouvé la force de me lancer. Il a ensuite fallu beaucoup de discussions, elle avait très peur de faire quelque chose de travers. De mon coté j'avais aussi peur de me sentir mal à l'aise, mais avec le temps on a trouvé notre équilibre et franchi toutes les barrières, de la nudité à l'annonce à ses parents, main dans la main.

Mes relations amicales ont, elles, toujours été moins compliquées. Normal, il n'y a pas la même intimité. Et même si je suis quelqu'un de très timide qui va rarement vers les autres, j'ai quelques amis de longues dates qui m'acceptent tel que je suis : avant comme une fille pas bien dans sa peau qui joue au garçon, aujourd'hui comme garçon qui essaye de trouver sa place ; et qui essayent de m'aider.

 


6. Le monde professionnel et scolaire


Je suis étudiant, en école d'ingénieur, et quand j'ai débuté ma transition, j'étais déjà dans cette école depuis 6 mois, inscrit sous mon identité féminine bien sûr, et il me restait encore 2 ans et demi d'études (dans cette même école). Au départ, j'ai pensé que ces deux ans et demi seraient sans doute le temps qu'il me faudrait pour avoir des hormones, et que je ferais mieux de consacrer mon temps à autre chose qu'à gérer un coming-out au milieu de ma promo et mes profs. J'avais très peur de ce regard de gens qui ne me connaissent que peu, mais qui savent qui je suis et pour qui je deviendrais simplement le trans du bahut. J'ai donc décidé de laisser couler, mais rapidement c'est devenu insupportable. Être une des rares filles dans une école d'informatique composée à 95% d'hommes donne une position un peu à part, position que je refusais catégoriquement. J'ai donc commencé à rater de plus en plus les cours, et à raser les couloirs quand j'y allais. Par chance, à peine 6 mois après les hormones sont arrivées, et j'avais donc une bonne raison de me jeter à l'eau : les changements seraient visibles. J'en ai donc parlé au responsable d'année qui a super bien réagi, et m'a directement proposé de changer toutes les listes d'appel et de faire disparaitre mon prénom féminin de la partie visible de l'école. Il s'est chargé d'informer tous mes profs du changement. De mon coté, je me suis limité à expliquer la situation aux deux personnes dont j'étais le plus proche là-bas. La transition s'est donc faite discrètement, simplement via un prénom dans une liste. Certaines personnes l'ont remarquées et donc des questions ont commencé à être posées. C'est assez rigolo, parce que personne n'est venu directement me voir. Ce sont les deux personnes à qui je m'étais confié qui ont été interrogées et qui ont donc fait tourner l'information. Au démarrage personne n'osait trop se lancer, être le premier à dire « Mickael il », devant moi ils essayaient, mais ils étaient gênés. Ça a d'ailleurs donné des situations très comiques entre des gens qui ne me connaissaient pas avant, et qui donc me croyaient simple garçon et d'autres qui parlaient de moi en se trompant dans les pronoms. Au final, je n'ai eu aucun commentaire, que ce soit négatif ou positif, mais tout le monde a fini par s'y mettre.

 


 7. Peurs, questionnements et doutes


Comme je l'ai dit, je n'ai jamais réellement douté de mon identité. Il m'a fallu du temps pour y faire face, mais parce que j'avais honte, pas parce que je n'étais pas sûr. La seule vague période de doute que j'ai connu, c'est à 17 ans, quand je me suis retrouvé attiré par un mec. C'est très con mais avant ça je ne m'étais pas posé de questions sur ma sexualité : j'étais un garçon, donc j'aimais les filles. Et là d'un coup ça revenait à j'aime un garçon, donc je suis une fille. Il m'a fallu un peu de temps pour réaliser la connerie de mon raisonnement, et comprendre que même avec ce mec je me voyais en homme et donc comme homo. Cette anecdote stupide est finalement mon plus grand questionnement.

Du côté des peurs, la liste serait beaucoup plus grande. J'ai énormément flippé avant chaque annonce : à mes parents, ma famille, mes amis, mon école. J'avais peur d'être rejeté, jugé, vu comme fou. Finalement, tout s'est bien passé, et même si certaines personnes m'ont confié ne pas comprendre, je n'ai eu aucune réaction réellement négative.

J'ai eu de nombreuses craintes au moment de la prise de testo. Pas par rapport à moi, mais aux autres. J'ai commencé à penser qu'on allait m'attendre au tournant, juger mon comportement comme à la hauteur de celui d'un homme ou pas, etc. Heureusement j'ai fini par trouver un semblant d'équilibre dans cette identité toute neuve et ces craintes n'ont pas duré.


 
Témoignage* de Mickael.

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Date de création : 2007

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